Le Spleen de Paris: Petits poèmes en prose - Charles Baudelaire

Lorsqu'il commence publier ses petits po mes en prose dans des revues et des journaux, Baudelaire a beau les qualifier modestement de "bagatelles", il a pleinement conscience de ce qu'ils ont de singulier. Et nous le savons mieux d sormais, ce qui s'inaugure de mani re capitale dans ces textes qui visent capter l' tranget du quotidien de son temps, ce n'est rien moins qu'une forme litt raire nouvelle. Rimbaud et Mallarm vont s'en souvenir tr s vite - et bien d'autres apr s eux. Bien que le po te y songe t depuis 1857, l'ann e des Fleurs du Mal, Le Spleen de Paris ne parut que deux ans apr s sa mort, en 1869. Ses po mes en prose constituaient pourtant ses yeux le "pendant" de ses pi ces en vers, et les deux livres, en effet, se font cho maints gards. Mais la diff rence des Fleurs du Mal, ce n'est pas ici un recueil compos qui nous est offert: un espace de libert , bien plut t, o le fl neur t moigne d'un nouveau regard venu l'homme moderne pour lequel la r alit multiplie ses imagesUne libert absolue clate dans les po mes en prose de Baudelaire. Les seules r gles auxquelles il ob it sont des r gles int rieures. Son extr me sensibilit guide son g nie, sensibilit la joie de l'enfant pauvre qui joue avec un rat, la tristesse des veuves, l'accablement des hommes cras s par leur chim re, la souffrance de l'amant incompris. Une autre r gle sera l'illumination. Dans les yeux d'une femme, Baudelaire voit l' ternit . Les f es lui apparaissent, lui donnant le don de plaire, le diable aussi et ros. Cette vie est un h pital o chaque malade est poss d du d sir de changer de lit. Il faut partir n'importe o , hors du monde et s'enivrer sans tr ve. Mais de quoi? De vin, de po sie ou de vertu, votre guise, mais enivrez-vous.