L'Enfant malade - Suivi de Marie Donadieu

"Cinq ans, six ans et sept ans, la joie... Un jour de septembre, lorsque j'avais sept ans, j'eus mal aux dents. Mal aux dents, c'est triste. Cela prend les id嶪s et les comprime jusqu'?ce qu'elles souffrent comme des b皻es et ne sachent plus que dire: J'ai mal aux dents. Maman faisait la lessive. Je r瀺ais autour d'elle, inquiet, je marchais en me plaignant. On dirait que nous promenons notre douleur afin de l'嶲arer, pour qu'elle se perde dans un coin et ne puisse plus nous retrouver. Maman s'interrompant me regardait avec de bons yeux. Les souffrances d'un enfant sont des souffrances imm廨it嶪s. Le Destin martyrise quelqu'un qui se plie et qui pleure avec tant de faiblesse que l'on pense: Nature tu es forte, mais tu es bien injuste. Maman m'embrassait: Mon pauvre petit, tu as mal aux dents ! Le lendemain, j'eus encore mal aux dents: Mon gar蔞n nous la ferons arracher ce soir. Le m嶮ecin prend des pinces tr鋊 dures et malfaisantes comme une 滵e d'acier. On ouvre la bouche, quelque chose s'arrache, on crie.  y est."Charles-Louis Philippe (1874-1909) fut un romancier du peuple, c'est entendu, un romancier des vies minuscules ch鋨es ?Fr嶰hette ou ?Michon.Mais 嶰rire cela est trop peu 嶰rire: si l'auteur de L'Enfant malade est ?ce point celui d'une oeuvre attach嶪 ?l'homog幯嶯t?profonde, sous-jacente de la condition humaine, c'est qu'il est le facteur d'une esth彋ique parfaitement unique, dont la caract廨istique est la m嶰anisation, la machinisation, la syst幦atisation de tout motif, le refus de tout regard holiste, englobant, synth彋ique, sur les choses et les 皻res.Charles-Louis Philippe est mieux qu'un impressionniste, il est mieux qu'un auteur d彋ailliste: toute sa production contribue ?la traduction litt廨aire de la conviction jadis expos嶪 par La Mettrie: si le monde n'est qu'une collection d'effets sur le sujet, celui-ci n'est, pour sa part, qu'une collection disparate d'幨幦ents qui, toujours et pour toujours, fragilisent son unit?fantasm嶪.